Cela fait des mois que l’air à Manhattan est devenu insupportable, presque irrespirable. Je balayai CENTRAL PARK, ou du moins ce qu’il en restait, du regard. C’était horrible ! Un amas de corps et d’entrailles comme j’en avais encore jamais vu avant. Je m’avançai parmi les décombres en évitant de marcher dans une marre de sang gluante. Mon cœur battait la chamade mais mes narines étaient aux aguets, prêtes à sonder n’importe quelle senteur nouvelle. En vain. Le tueur n’avait pas d’odeur. Il n’avait pas d’âme. J’enfouis mes griffes dans la terre fraîche, mes mains étaient encore humaine mais la bête en moi menaçait de surgir à tout moment. Il fallait que j’affronte le danger qui menaçait les garous, toutes espèces confondus.

« Mais qui a bien pu faire ça ? » Murmurai-je à l’attention de mon camarade rat.
« Les rats-garous ne sortent que de nuit, le carnage a eu lieu en pleine journée. » Se défendit-il.
« Pas moyen que ce soit un loup. Nous ne sommes friands que de chair fraîche et jeune. Regardez-moi ces vieux fripés. » Hurla une jeune louve, prête à ameuter le reste de son groupe.
« Ce n’est pas nous ! » M’affolai-je. « Nous avons des règles. Les léopards mordent sans déchiqueter leurs victimes. Tous ces cadavres sont ouverts. »
« Qui est-ce alors ? »

Un brouhaha s’éleva sur la place. Je me redressai dégoûté. Certes j’étais un monstre avide de sang et de chair, mais ce spectacle était trop gore pour moi. Je retins un haut les cœurs.

« En tout cas ce n’est pas un garou. » Affirma le rat.

Pour une fois, on ne se jetait pas de pierres. Je toisai mes ennemis du regard. Nos trois clans se vouaient une haine sans merci. Les Loups garous n’hésitaient pas à déchiqueter les rats, qui le leur rendaient très bien. Il fallait aussi avouer que les léopards n’étaient pas en reste non plus.

« Alors c’est qui, le rongeur savant ? » S’énerva la louve.
« Oh du calme ! » Intervins-je.
« Je … » Commença le vieux rat.
« Quoi les grands rats-garous ne savent pas ? » Beugla la louve malgré mes efforts pour la calmer.
« Les incubus sont de retour. » Lâcha-t-il enfin.

Un silence de plomb suivit cette affirmation, des plus effrayantes.