Moi qui pensais qu'avec tout l'alcool qu'il ingurgitait tous les jours, il en oublierait cette obsession...
C'était râpé!
Depuis quelques semaines, Daemon hurlait à tous qu'il voulait tuer les Rats. Au début, je trouvais ça amusant, maintenant, ça commençait à m'effrayer. Le dernier larbin qui avait osé revenir les mains vides avait fini en petits dés apéros.
Cette obsession était malsaine. Les membres de son clan commençait à s'amenuiser. Il ne voyait même pas que bons nombres de ses sujets foutaient le camps dès qu'ils le pouvaient. Bientôt il allait se retrouver seul dans son cimetière à ordonner aux pierres tombales de lui ramener un Rat ou que savais-je encore.
Je croisais les bras sentant l'exaspération se saisir de mes tripes. Je savais bien que je m'étais laissée aller ces derniers temps. A tel point qu'il se permettait, maintenant, de me parler comme à l'un de ses petits pleurnichards d’esclaves.
Il saisit une énième bouteille d'alcool qu'il déboucha pour boire directement à son goulot.
La première fois que j'avais vu Daemon Forbes, je l'avais trouvé attirant à souhait. J'avais tout de suite compris pour quelles raisons ses victimes étaient aussi nombreuses et n'avaient pas tenté de se débattre quand il les avait frappées.
En cet instant précis, ce Daemon Forbes n'existait pas. Il me faisait penser à un rêve que j'aurais fait un jour lointain prise de délires profonds.
Le Daemon qui m'ordonna une deuxième fois de lui ramener un Rat-Garou n'était qu'un homme profondément blessé qui me faisait pitié et qui me mettait en colère.

- Et si tu allais le chercher toi-même pour une fois, crachais-je mortellement froide.

L'entendre prononcer mon véritable prénom me figea de surprise. Il ne l'avait jamais utilisé qu'une seule et unique fois depuis que l'on s'était rencontré.
Je grimaçai légèrement. Qu'est-ce qui lui prenait de m'appeler ainsi?

Le respecter?
L'alcool avait réellement endommagé son cerveau atrophié. Je ne l'avais jamais respecté. Et ce n'est pas parce que je comprenais son envie de vengeance que je le respectais.

- Je respecte les forts, rétorquai-je simplement. Pas ceux qui prennent plaisir à se vautrer dans leur déchéance.

Il ramassait les bouts de verre de la bouteille lancée contre un mur. Il se coupa mais regarda simplement la plaie de refermer. Tellement lentement que cela me surpris. Ca ne signifiait qu'une seule chose: il était bien plus faible encore qu'il n'y paraissait.

- Si tu sortais de cette chambre, tu ne verrais qu'une seule chose: quelques dizaines de subalternes restés ici dans l'espoir de prendre ta place une fois claqué, raillais-je. Ils savent tous pour ton nouveau voeux d'abstinence, ils attendent le moment où la folie te fera plongée encore plus loin dans ta stupidité.

Même s'il était à moitié garou, il possédait assez de gênes d'Incube pour subir les effets négatifs. La mort due à l'abstinence était l'un de ceux-là. Bien sûr, il n'allait pas crever aussi rapidement qu'un Incube normal mais ça allait, tout de même, arrivé à un moment ou un autre. Ses yeux entièrement rouges frôlant le noir le prouvaient. Son sang s’obscurcirait considérablement.

- Je n'ai jamais dit que je t'obéirai, de un et de deux, je ne hais que mes ennemis les plus méritants, soupirais-je. Te haïr en ce moment serait une perte de temps considérable... et je déteste toujours autant la perte de temps.

Je m'avançai vers le bar et me servit un verre de Martini Rosso. Il n'y avait bien sûr plus de glaçons mais la bouteille était assez fraîche pour ne pas sentir de différence.
Je m'assis sur une des dernières chaises encore entière. Son arrogance refaisait surface.
Je ne tenais pas spécialement à le voir reprendre du "poils de la bête" comme on disait mais il ne me plaisait pas de battre un ennemi dans une position de faiblesse.
Un reste d'honneur d'avant ma transformation en Incube, je suppose.
Anita avait raison sur un point: j'avais changé. Il me semblait m'être.. refroidie... endurcie. Au point de ne plus pouvoir m'amuser des mêmes choses qu'avant.
La Chasse avait fini par m'ennuyer, par exemple. Mes nouvelles capacités m'avaient permise de trouver mes proies bien plus facilement. Trop. Au bout d'un an et demi, ça m'avait blasé.
Le sexe était devenu rébarbatif. Le plaisir du moment avait laissé place aux besoins vitaux. Même si mes partenaires tenaient le coup de mon statut d'Incube, ils n'arrivaient jamais à me détacher de ces besoins.
Doucement mais sûrement, être moitié Incube commençait à m'emmerder royalement.
Alors si mon seul adversaire se laissait aller à cette folie qui me frôlait depuis un moment, je ne voyais plus l'utilité de continuer toute cette mascarade.
Partir faire le tour du monde me permettrait peut-être de mieux me recentrer. C'était une idée qui me trottait dans la tête depuis quelques mois déjà...

Je revenais à Daemon qui jeta les bouts de verre dans la poubelle encore debout.

- C'est dommage d'avoir mis à sac ton si beau mobilier, remarquais-je.

Je fronçai les sourcils.
Cet abrutit arrivait à toucher mes cordes sensibles comme personne auparavant.
Il ne voulait pas me faire confiance, il ne voulait pas affirmer l'importance que j'avais pris dans son existence.
Et Dieu, je le haïssais pour ça. Je le détestais de ressentir exactement ce que je ressentais.
Nous avions jouer à un jeu de dupes et nous nous y étions brûlés l'un après l'autre.

Mes mains serrèrent les accoudoirs du fauteuil sur lequel il s'était avachi durant son discours suffisant mais pathétique. Nos visages n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.

" Tu te souviens du jour où tu as fait de moi cette créature?"Lui demandais-je en lui caressant le visage avec douceur. " Tu m'as dit cette phrase qui est restée gravée en moi: Tu ne seras pas comme les autres... Tu ne seras vraiment pas comme les autres.(nos lèvres se frôlèrent un petit instant, nos yeux plongés les uns dans les autres) Je ne suis pas comme les autres alors... (je me relevai) va te faire foutre, Maître. (ma voix se fit coupante comme une lame de rasoir en prononçant le titre pompeux que les larbins devaient respecter) N'est-ce pas toi qui répète: quand tu veux quelque chose, tu le prends? Alors viens prendre ce que tu veux au lieu de geindre comme un faible!! Ca fait des semaines que tu te laisses crever comme une merde."

Un défis... C'était tout ce qu'il fallait à Daemon pour arrêter de s’apitoyer sur son sort.
Je me resservis un verre de Martini que je bus plus lentement, dos à lui. Je n'avais pas peur de me faire trancher le cou. Après tout, mourir était un voyage aussi et comme je rêvais de partir loin depuis un moment. Ca pourrait être amusant et instructif. Je me demandais ce qui m'attendait après la mort. L'Enfer? Le Paradis? Une réincarnation? Peut-être que je renaîtrais en petit scarabée... en cochon?
Cette idée me fit sourire. Presque rire.
Je m'adossais au bar en dévisageant Daemon. Je me souvenais parfaitement du jour de ma transformation. De ses paroles. De ses promesses.
Où donc était passé le monstre que je voulais tuer à cette époque?
Etait-ce moi qui avais changé ou bien lui?

"Tu crois que si tu redeviens le connard prétentieux de cette époque, j'aurais de nouveau envie de te faire la peau?" Lui demandais-je en soupirant.

Il m'était pris cette habitude de lui poser ce style de questions depuis quelques mois. Sans doute une envie de le sortir de ses gonds ou de frôler la mort.

Je restai immobile, Daemon serré contre moi. Son souffle me chatouillait la base du cou mais ses derniers mots m'empêchaient de le repousser.

« Elle te ressemblait beaucoup. »

Il avait donc connu ma mère... peut-être mes parents. Mes yeux se posèrent sur sa nuque laissée libre. Il aurait suffit d'un mouvement pour que mes mains se retrouvent autour de son cou et le tuent. Je peinais à ressentir mon corps anesthésié par cette nouvelle.
Une voix insidieuse me soufflait que Daemon allait briser ce qu'il me restait de coeur, d'humanité, si j'osais poser la question qui me consumait.
Tellement de choses tournèrent dans ma tête que je ne pus empêcher quelques larmes de couler le long de mon visage. Je refermai mes bras autour de Daemon pour l'empêcher de me regarder à nouveau mais aussi parce qu'il était le seul rocher dans ma tourmente actuelle.
C'était ironique! Mon ennemi, ma déchéance était mon salut immédiat.
Ma bestialité dansa avec mon humanité. Mon envie de lui arracher le coeur à mains nues se mélangea à mon envie de le prendre en moi pour échapper à cette révélation cauchemardesque.
Mes mains se perdirent dans ses cheveux. Mes doigts jouèrent avec des mèches. Étrangement, sa chevelure était aussi douce que de la soie alors que le reste de sa personne était aussi dure et tranchante que le diamant.
Il fallait que je pose ma question. Je devais savoir. Quitte à tomber en morceaux et revenir en arrière, du temps de mon obsession sanguinaire, je devais connaître la vérité sur la colère de mon mentor, sur la disparition de mes parents et sur ce que j'étais.

- D'où la connais-tu? demandais-je, les yeux fixés sur l’âtre où brûlaient quelques bûches.

Il me serrait si aisé de le pousser, faible comme il l'était. Son sang souillait le tapis et mes pieds nus. Un liquide plus foncé que le sang humain. Il était aussi noir que son âme. Que nos âmes.
La folie était nôtre, s'insinuait dans nos corps pour le pourrir de l'intérieur. Elle nous rendait profondément Véritable. Elle nous faisait oublier les principes humains, les joies, les peines, la peur comme la douleur. Elle ne laissait derrière son sillage que l'envie du sang et de la mort.
Je connaissais ce qui mangeait Daemon. Je connaissais son âme torturée. J'avais appris cette solitude qui était sienne. J'ai cru, naïve que j'étais, qu'en le côtoyant la Folie nous laisserait respirer.
Nous étions condamnés à la vivre jusqu'à la fin.
Mes mains descendirent jusqu'à sa poitrine. Je serrai les pans de sa chemise entre mes doigts, le maintenant serré contre moi. Il sentait le sang et le parfum de luxe qui le saillait tellement bien. Il sentait la mort comme la vie.
Il sentait comme au premier jour de notre rencontre organisée.

- Qui les a tués? chuchotais-je, ma bouche près de son oreille.

Sa chaleur réchauffait à peine mon corps endormi.

- Réponds-moi... Mon Maître...

Ma voix n'était plus qu'un murmure indétectable aux normaux. Mes yeux s'étaient fermés. J'avais prononcé "mon maître" comme j'aurais pu dire "mon amour" ou "mon amant"... Un mot plein de sens, plein de menaces... Plein de cette créature qu'il avait créé en me changeant. Je me souvins de ce camion nous fonçant dessus. Je me souvins de mon élan pour le pousser de la trajectoire mortelle. Je me souvins de sa bestialité.
Un frisson me parcourut. Il m'arrivait souvent de rêver de cette nuit-là.

Mon coeur avait cessé de battre, ses mots tournoyaient sous mon crâne. Ses yeux reprirent leur teinte carmin d'avant. Son peau reprenait sa couleur originelle. Je voyais la "vie" reprendre possession de lui. Il redevenait le Daemon que tous connaissaient.
La haine et la rage me firent le renverser sous moi et serrer son cou. Il ne réagit pas sous mes doigts qui le blessaient, pourtant, jusqu'au sang. Son arrogance était presque palpable.
Il me dégoûtait.
Je me dégoûtait.
Mes cheveux tombèrent devant mon visage, mes bras tremblèrent sous l'effort et mes yeux piquèrent atrocement.
J'avais voulu toucher l'humain. Je m'étais noyée dans le monstre.
Tous avaient-ils donc raison?
J'étais devenue pareille que lui.
Nos corps se détachèrent alors que je me relevai en titubant. Je me rattrapai à la chaise toujours debout. Mes mains brisèrent le dossier sans que je n'en prenne conscience.
Ce fut en tremblant que je vidai un verre de whisky puis un deuxième. L'alcool me brûla la gorge puis mon estomac vide. L'éclat d'une lame au sol m'hypnotisa. Je reposai mon verre sur le bar.
Je la saisis, me tourna vers Daemon assit contre le mur près de la cheminée. Il me regardait simplement.
Je n'étais qu'un insecte à ses yeux. Une simple proie qui était tombée dans sa toile et qui se démenait pour rien.
Je m'approchai de lui trop rapidement. Même s'il se régénérait, je savais que mon sang lui manquait encore pour achever sa guérison. Mes genoux percutèrent le sol.
J'étais impudique, le chemisier ouvert et nue sous ma jupe plissée, mais ça m'était complètement égal.
Il devait me donner des réponses.

- Pourquoi? Pourquoi l'as-tu tué?

Mon coeur n'avait pas cessé de battre à tout rompre. Je l'entendais sous ma poitrine menacée d'imploser.
La lame me brûlait le poing. Je détaillai son torse. Daemon n'était pas mon style mais il restait beau, attirant. Ma main se tendit, mes ongles s'allongèrent pour détruire cette perfection écoeurante. Des sillons de sang se dessinèrent sur le blanc de sa peau.
Il ne broncha pas.
Je pouvais sentir sa délectation.
Je penchais sur lui, nos bouches à quelques centimètres l'une de l'autre, la lame entre nous. Il suffirait d'une simple pression pour qu'elle s'enfonce dans son bide et que je puisse l'ouvrir en deux.

- C'était un simple amusement n'est-ce pas?

Je voulais savoir. Je voulais le juger coupable et le tuer. Je voulais tuer cette part de moi qui avait osé le toucher en croyant que...
Merde! J'aimais sa peau. J'aimais son souffle.
J'aimais toucher et être touchée par un être dégoûtant que j'aurais dû tuer sans états d'âme.
J'aimais sa bestialité comme les petits moments de tendresse qu'il laissait entrevoir. J'avais aimé le voir commander son clan. j'avais aimé le voir à ma merci durant toutes ces semaines.
Etre l'unique.
Pour ça.
Pour être piétinée sauvagement. Etre méprisée comme tant d'autre.
La lame s'enfonça un peu. Le sang forma une petite bande de son nombril à son pantalon ouvert.
Mon corps se crispa au souvenir tactile de l'instant précédent.
Mes yeux le fusillèrent de haine pure.

Nos regards ne se quittèrent plus. Je me redressai, le poignard tomba au sol. Ma condition me serrait l'estomac.
Je savais Daemon incapable de mensonges comme tous les Incubes. Personne ne nous disait qui tuer, c'était un de nos nombreux plaisirs. Chaque Incube naissait avec ce travers sadique et abominable ainsi que cette propension à la Vérité absolue. Nous pouvions la déguiser, certes, mais le fond restait toujours juste.
Et je savais que j'étais une bâtarde. Mes recherches m'avaient mené à cette conclusion dès les premières portes claquées avec cette phrase insupportable: " on ne parle pas aux monstres."

- Tu n'avais aucun droit de m'enlever mon droit à ma vengeance, crachais-je.

Je remis mes cheveux en arrière d'une main salie par le sang. Mes doigts se posèrent sur son visage pâle.

- Je ne t'aime pas, grondais-je à voix basse. Je ne t'appartiendrai jamais.

Je léchai le sang serpentant d'une plaie légère de son épaule gauche jusqu'à sa clavicule. Daemon n'avait pas un goût particulier, son sang recelait juste plus de noirceur que les autres. C'était un goût unique pour moi. Il était pire que moi et cela me rassurait. Le goûter me permettait de me dire qu'une part d'humanité m'habitait toujours.
Sauf qu'en cet instant, je me sentais bien trop son égal. Je n'arrivais pas à le juger comme je le souhaitais. Je savais que je n'avais pas été désirée tant que cela et que ma mère avait dû faire un choix. J'avais juste voulu espérer.
Comprendre son ennemi rendait son exécution bien plus compliquée. Je ne comprenais que trop bien Daemon.
Mes doigts s'arrêtèrent sur ses lèvres.
Sa suffisance était insupportable. Son arrogance me donnait envie de le tuer à chaque seconde.
Je posai mes lèvres sur les siennes un bref moment. Mon sang se déposa dans sa bouche. Je me séparai de lui sans le quitter des yeux.
Même ensanglanté, il restait maître de lui.

- Si tu veux du sang, je peux t'appeler une des gamines qui attend dans le salon principal.

Je m'assis sur le fauteuil un peu bancal dans le dos mais toujours confortable. J'étais fatiguée, épuisée et terriblement seule.
J'avais pris goût à la violence de mon existence et ça me révulsait. Je voulais partager mon sang comme nous l'avions fait quelques fois - trop de fois, sans doute- mais je n'y parvenais pas.
Poser le geste lui ferait trop plaisir.
La faim me tenaillait aussi sûrement qu'il devait crever la dalle. Cependant, j'attendrais d'être seule pour faire venir Valerian dans mes appartements pour qu'il puisse satisfaire mes besoins.

- Puis-je me retirer? demandais-je dans un soupir.

Mon regard se posa sur lui, froidement. Je retrouvais son regard arrogant et supérieur. Je pouvais le détruire. Je pouvais en finir définitivement. La ville redeviendrait, sans doute, le havre de paix d’antan sans lui et les siens.
Je me levai pour lui faire face.
Avait-il raison? Etais-je attachée à ce point au passé?
Je l'avais regardé massacrer des êtres vivants sans broncher. Je l'avais laissé me noyer dans son monde sans me débattre. Et aujourd'hui, je ne supportais pas qu'il ait pu toucher à un de mes proches qui m'aurait "abandonné" à ma naissance.
Plonger dans ses yeux me révéla ma propre inhumanité. Je le jugeais pour un acte que j'aurais pu commettre, que j'avais peut-être commis. Le souvenir de cet homme que j'avais surpris à tromper sa femme.... j'avais enlever sa vengeance à son épouse.
Mes poings se serrèrent. Qu'est-ce qui n'allait pas chez moi, je ne savais que me voiler la face.
Je pensais le connaître, savoir ces sentiments de moitié Incube qui nous mangeaient et je le tuais. Un rire sans joie m'échappa. Je m'agenouillai à sa hauteur.
Je ne pourrais jamais le tuer. Me débarrasser de lui détruirait une part de moi. Une once de ce que j'étais devenue à cause ou grâce à lui.
Je n'étais une plus Hunter. Je n'étais pas une Louve. Je n'étais pas une Incube. J'étais ce que Daemon voulait que je sois: incapable de le détruire mais capable de le protéger d'autres, au péril de mon existence.
Je saisis sa main agrippée à son poignard couvert de son propre sang et la montait à ma poitrine. La lame s'enfonça au-dessus de mon coeur avec une facilité déconcertante. Je ne sentais rien, mon regard encré dans le sien. Je savais mes yeux oscillant entre le carmin et le ciel. Il y avait longtemps que j'avais abandonné mes lentilles pour dévoiler ma monstruosité: hybride loup et incube.
Une erreur de la nature.

" Et si je te laissais me dévorer? Assouvir ton envie bestiaire, Daemon!" Chuchotais-je alors que mon sang coulait le long de nos bras. "Tu retrouverais enfin ta puissance et arrêterais de te laisser moisir."

La même envie qui me possédait depuis ma transformation: celle de dévorer l'être responsable de ma tourmente. Daemon. Je me réveillais, parfois, en sueur, après avoir rêver que son être disparaissait en moi et me laissait enfin sombrer dans la noirceur totale.
J'étais devenue avide de sang, de souffrance. Même de la mienne.

" Comme toujours et à jamais..." ricanais-je en songeant qu'il possédait et posséderait ma vie entre ses doigts inhumains jusqu'à ma fin.

C'était notre lien. C'était ce qui me permettait de le comprendre derrière son masque. Je savais qu'il ne me haïssait pas. Il me méprisait peut-être mais ne me voyait pas comme une chose inutile à son monde tel son clan.
J'étais celle qu'il ne nommait pas, j'étais l'inabordable. J'étais le demi mot, le sens caché derrière la phrase impudente. J'étais le reflet du miroir qu'il couvrait pour ne jamais se perdre en le croisant.

Une larme coula le long de ma joue.

« Je sais que tu es triste. Mais nous l’avons tous été un jour. Tu es mon incube, tu ne peux pas garder ces états d’âmes … Tu es une machine à tuer. »

C'était la première fois que je l'entendais prononcer une phrase soucieuse envers quelqu'un. J'étais au bord du précipice et il me tirait hors du vide. Il me tirait à lui.
Je savais qu'il ne faisait pas ça par amour. Pourtant quelque chose dans le ton de sa voix me fit le suivre.
Un frisson me parcourut alors qu'il continuait de lécher le sang qui coulait sur mon bras. La lame sortit de ma poitrine. Mon souffle se brisait alors que les battements de mon coeur s'atténuait. Une torpeur salvatrice s'empara de moi.

- Mes sentiments sont un chaos de tristesse et de haine, soufflais-je.

J'étais une machine à tuer pareille à lui. Je le savais mais je n'arrivais pas encore à m'en accommoder. Je ne parvenais pas encore à trouver un but à mon existence dans ce mode de vie.
Je me demandais quel monde de solitude il avait dû contempler et durant combien de temps pour devenir ce qu'il était. Pourrais-je côtoyer ses ténèbres sans me laisser enterrer sous ma carapace mensongère? J'avais peur que la réponse soit négative.
Je me penchai sur son cou qu'il m'offrait sans hésitation. Je me rendais compte que j'ignorais encore tant de choses sur lui. J'ignorais ce qui le poussait à m'offrir son propre sang. Lui, mon Créateur. Mon Maître.

- Je me moque de tes crimes. Ce que tu es m'est égale...

Le bout de ma langue entra timidement en contact avec la peau de sa nuque offerte. Je sentis son corps frissonner imperceptiblement. Mes dents déchirèrent sa peau avec délicatesse. Comme il me l'avait appris lors de mes premières nuits.
Mon but n'était pas de le marquer. Personne n'avait ce droit. Même moi qui venait de dépasser les limites du tolérable. J'avais conscience du privilège que je vivais. J'avais conscience de l'horreur de mon acte. Non, pas de l'horreur. Il n'y avait rien d'horrible à partager sa vie avec son Créateur, son Maître, son Amant...
Comment pouvais-je donc qualifier Daemon alors qu'il n'était rien de tout cela mais tout en même temps.
Je me serrai contre lui.

- Reviens.... murmurais-je contre la plaie ouverte. Mon Maître...

Son sang coula dans ma bouche, électrisa mes papilles avant de me réchauffer de la gorge jusqu'aux orteils. Le liquide qui me ramenait à la vie avait le goût d'un vieux vin gardé au frais loin de toute existence hostile. Il était sucré avec, toutefois, un léger arrière goût d'amertume agréable au palais. Il était revigorant sans être écoeurant.
Je reculai en me léchant les lèvres. Je ne voulais pas abuser. Je n'avais pris que le stricte minimum même si mon corps se rebellait. Il voulait tout de cet être insaisissable. Il voulait le consumer avant de l'être par lui.
Nos regards s'accrochèrent à nouveau.
Toutes les cellules de mon être s'agitèrent douloureusement. Ma tête refusait peut-être de comprendre mais mon corps lui savait. Je lui appartenais et rien ne changerait ça. Pas même le temps ni l'éloignement. Je ne pourrais jamais rien y faire.
Etait-ce mal de vouloir l'absorber, lui et ses sentiments?
Etait-ce mal de vouloir détruire ce qui me faisait moi et ce qui me détruisait irrémédiablement?
Ne jamais le quitter. Ne jamais arrêter ce qu'il engendrait en moi.

- Malgré ma connerie, ai-je le droit de rester à tes côtés?

Je sentais mes blessures se refermer à une vitesse effrayante. Je sentais son sang s'agiter en moi au fil de mes mots.
Mes voeux étaient si égoïstes. Des caprices si punissables.
Je m'attendais à son prochain rejet imminent malgré le fait que ma demande n'avait rien de sentimentale. L'éternité seule ne me disait rien...

"Oublie."

Daemon serait toujours Daemon quoi qu'il se passe. Le jour du Jugement Dernier arriverait qu'il continuerait à être ce qu'il pense devoir être. Je le voyais bien rire à la face des Cavaliers de l'Apocalypse, les mettant au défis de lui ravir sa place.
Je le laissai boire mon sang.
Son baiser avait eu un goût étrange. Je n'avais plus été embrasser de cette manière depuis ma transformation en Incube. Seuls les Humains s'embrassaient avec sentimentalité même lorsqu'ils ne s'aimaient pas plus que cela. Mes doigts caressèrent ma bouche ensanglantée alors qu'il reprenait son dû.
Je savais qu'il ne me tuerait jamais. Il ne pourrait pas. Tout comme je ne le pourrais pas. Bien sûr, il serait facile d'envoyer quelques ennemis - ils étaient tellement nombreux et se serreraient même les coudes pour l'occasion - à la poursuite de l'autre. L'idée m'avait frôlé du temps de mon amitié avec Anita. Elle me frôlait encore quand je rencontrais, par hasard, un Hunter. Un mot glissé par ici ou par là et le tour serait joué.
Jouer... C'était ça le soucis. Nous avions et nous devions jouer. Ça ne finirait jamais.
Encore maintenant, nous jouions. Proches de la mort, nous jouions à qui craquerait le premier.
Le jeux épuisant du chat et de la souris sans jamais savoir réellement qui était l'un et qui était l'autre.

"Oublie."

Ce mot me fit sourire. Bien sûr qu'il fallait oublier. Voir un être vivant comme une personne à aimer était le pire fléau chez les Incubes. Ils le craignaient tous. Même les plus forts d'entre nous ne faisaient pas exception. Notre seule et unique peur. Celle qui nous rendait inhumain. Face aux sentiments nous les détruisions. Le sang coulait sur la probable possibilité d'une sensation.
Ne jamais se laisser approcher quoi qu'il arrive.
Daemon se détacha finalement de moi. Sa bouche légèrement rougie était propre comme d'habitude. Aucun gaspillage.
Je me levai en silence. je retirai mes doigts de mon cou sans une once de sang. Il avait pris soin de nettoyer la plaie.
Je ne fis aucun commentaire. A quoi bon.

- Nous verrons bien qui tuera l'autre en premier, souris-je.

Je pris mon verre et le remplie d'eau que je bus d'une traite. Je détestais le goût du sang dans ma bouche. Je détestais SON sang dans ma gorge me rappelant ce que je perdais.

"Oublie."

- Veux-tu que j’appelle l'une ou l'un des nouveaux ou quelqu'un de ton choix pour cette nuit? m'enquis-je.

Je savais qu'il aurait besoin de sexe. J'en avais besoin aussi pour parfaire la guérison. Le sang n'était jamais suffisant. J'étais redevenue celle que j'étais: incompétente, stupide et désintéressée de tout. Je n'étais pas du genre à me complaire dans l'humiliation.
Les larmes n'étaient plus pour nous.

"Oublie."

Quand je rouvrirai les yeux sur le monde, je serai seule. A jamais. Parfois une âme errante entrerait dans mon existence mais n'y resterait jamais.
C'était ma nouvelle malédiction éternelle.
Je savais que je reviendrai à lui pour le toucher du bout des doigts une nouvelle fois et repartir comme j'étais venue. Je comprenais que ça nous permettrait, cruellement, de ne pas sombrer malgré nous.
Nous n'étions rien l'un pour l'autre. Nous n'étions juste que nos bouées respectives dans les vagues déferlantes de nos conditions.

Je n’étais pas ce genre de personne. Définitivement pas. Je me refusais de telles bassesses. Un homme aussi puissant que moi ne pouvait pas se permettre de s’intéresser à ses esclaves. Oui, parce qu’au fond Heillin n’était rien de plus que ça. Une âme en peine que j’avais ramassé dans la rue afin de lui offrir un laisser passer pour un monde meilleur. Où du moins qui me semblait meilleur. Je n’avais même pas eu le temps de l’éloigner de moi, elle s’était déjà levée, dressant entre nous une distance ridicule. La solitude … Ce sentiment ne m’était pas étranger. Je soupirai en la regardant agir comme une marionnette. Elle se voilait la face encore plus que moi. Nous étions fait pour nous détruire, et ces efforts de cohabitation étaient voués à l’échec. Bizarrement je n’espérais pas sortir gagnant de ce combat, au fond de moi j’espérais qu’elle serait la première à m’arracher le cœur. J’émis un éclat de rire blasé. L’histoire de ma vie défilait sous mes yeux… J’avais vécu. Peut-être même étais-je prêt à partir … Je secouai négativement la tête. Mais qu’est-ce qui me prenait ?

« Ne t’intéresses pas à moi. » Commençai-je d’une voix glaciale. « Je ne t’ai rien demandé ! Ne fais plus jamais quoi que ce soit , à moins que j’en ai donné l’ordre … »

Je redevenais à nouveau imperturbable. Je voulais remettre ce masque d’arrogance qui m’allait si bien. Les battements de mon cœur avaient reprit un rythme normal pour un incube, c’est à dit : lent, las et sourd. J’étais à l’article de la mort tous les jours, et pourtant j’étais là. Inspirant la crainte partout où je passais. Le cimetière où j’avais élu domicile, ne me paraissait plus aussi macabre que le premier jour mais je m’étais habituée à l’odeur des cadavres et à lé déchéance totale qui régnait en ces lieux. Je me levai en titubant.

« Tu n’es rien Heilleen. Je ne te tue pas parce que je ne peux pas pour le moment, mais je vais changer. »

C’était mon destin. Je ne pouvais pas me permettre d’aimer où de me mettre dans des situations compromettantes pour une personne futile. Une part de moi était mécontente de ces décisions. Je voulais la prendre par la main, et resté a ses cotés durant des heures, allongés sur le sol givré. Juste là, à respirer. Mais c’était trop me demander.

« Tu peux appeler ton Val –chose, je sais que tu es un favori dans ta cour. » Soufflai-je complètement désintéressé. « Si tu as besoin de sang. »

Je tenais peut-être à elle, mais je n’étais pas encore prêt aux émotions que cela engendrait. La jalousie, la possession, la monogamie. Je n’y songeais même pas. De toute façon, il était trop tard pour moi. J’avais voué ma vie, où ce qu’il en restait, à la vengeance contre un peuple qui m’avait poignardé dans le dos. Je n’avais jamais pensé, en 1500 ans d’existence que je pourrais un jour me rétracter pour une personne. J’avais déjà une raison de vivre. Et c’était suffisant. Je n’étais pas né comme ça, aussi mesquin et peu fréquentable. J’avais été un enfant sociable et très joueur. Je suppose qu’on avait brisé ce souvenir morceau par morceau. Un rire douloureux m’échappa. La peur de l’inconnu m’avait peu à peu quitté. Mon démon jubilait à l’intérieur de ma tête. Je ne voulais pas perdre tout ce que j’avais bâtis. J’en étais trop fier. Je me levai ! Mon cœur battait dans ma gorge, il remontait jusqu’à ma bouche. Mes paupières supérieures recouvrirent une partie de mes yeux, me donnant des faux airs de drogué. La douleur que je ressentais fermentais mon désir de dominer. Encore et toujours.

« Appelle ton homme ! »

Anything has changed.

It’s all in my mind.

Je devais me relever pour être plus fort encore. Je ne voulais pas m’essayer à un mode de vie différent. Je souris à la jeune femme, je savais qu’elle adorait sa création. Je clignai des yeux. Je voulais lui offrir une nouvelle vie, où lui ôter ce masque de sang que je lui avais collé de force. Je ricanai d'un air dément. J'étais complètement dérangé en ce moment ! La décadence était tout autour de moi. Une fois que l’on commençait à tuer, il était presque impossible de se défaire de cette fièvre. Ma santé mentale, n’était plus. Je sentais mon cerveau pressé par le poids de mes crimes. J’avais laissé le mal grandir à moi, je ne pouvais plus reculer. J’étais une cause perdue d’avance. Et lors de mes heures les plus sombres je ne regrettais pas une seule seconde d’avoir choisi la voie de la mort. Les archanges et les démons chantaient en chœur l’infamité de mon âme. Souillée, agonisante, j’étais réduit à un simple trou noir. La douleur, la souffrance n’étaient plus à blâmer quand j’étais le seul responsable. Les chaînes de la mort me tenaient fermement, me promettant une agonie sans fin. Je saisissais la main du destin. J’avais grandis afin de tuer. Ce n’était pas les actions déroutantes d’une âme blessée, mais le karma. Je revenais sans cesse vers mon passé.

« Sanctus espiritus, Lux umbra diabolus. » Murmurai-je d’une voix rauque.

*Saint esprit, la lumière est l’ombre du diable.

Je m’approchai lentement de la jeune femme. Pas de quartier, je refusais de montrer une nouvelle fois de la merci à son égard! Je la saisis par la gorge et pressais ses cartilages contre mes doigts fins. J’envoyais son corps frêle valser contre le mur.

« C’est fini. Cette chose puante qui existe entre nous. »

Mes yeux s’injectèrent de sang, devenant entièrement rouge. Jamais encore ma rage n’avait atteint un tel degré de transformation. Je sentais mes oreilles s’allonger en arrière, plus pointues, plus animales qu’avant. Ma langue sifflait des mots en latin, la langue mère, alors que mes dents poussaient douloureusement.

J’étais glacé jusqu’au sang.

Les couleurs devenaient de plus en plus fades.

Je me serais bien laissé sombrer dans les abîmes de son âme, si seulement elle en valait la peine. Heillin nourrissait ma peine. Elle me détruisait.

« Disparais ! Pas de ma vue, mais de mon territoire tout entier! »

Je ne voulais plus la voire en face de moi. C’était un fardeau que je n’avais pas besoin de porter !

« Tu es banni du clan des incubes, pars et ne reviens jamais ! Emmène ton larbin ! Partez ! »

C’était la seule solution pour la garder vivante.

Où du moins, elle ne mourrait pas de mes mains.

J'essuyai le sang qui avait coulé le long de ma bouche et me relevai difficilement en m'appuyant contre le mur.
Mon coeur s'arrêta. Je le regardai me sourire. Mon voeu avait été exaucé: il était revenu. Monstrueux, avide de sang et de mal, assoiffé. Ce que j'avais désiré se tenait devant moi et me rejetait.
J'avais mal. En cet instant, j'étais redevenue humaine. La douleur était sourde. J'entendais mon sang battre à mes tempes. Je voulais le supplier. Je voulais effacer ces heures passées. Je voulais effacer nos baisers éphémères.
Je voulais rester à ses côtés. Je voulais encore sombrer et me relever pour lui.

Je forçai un sourire à se dessiner sur mes lèvres. Je pouvais le sentir déchirer mon visage. Je voyais presque le sang couler des craquelures. Mon visage était un masque effrité que je maintenais en place grâce à beaucoup de mensonges et de dénis.

Je m'inclinai doucement:

- Comme vous le souhaiterez... Mon Maître. Mais Valerian n'est pas mon préféré. Je vous le laisse.

Je sortis de la chambre sans un mot de plus. Je n'avais pas envie d'être coincée avec qui que ce soit. Valerian était bien sympathique mais comme tous les Incubes, il ne valait absolument rien.
J'entrai dans ma chambre et saisit mes affaires que je pliai dans deux valises. Celles dont je m'étais servie pour m'installer dans ces lieux.
Je laissais le superflu sur les cintres et dans les armoires. La salle de bain fut vite vidée.
Je m'assis sur le lit à baldaquin blanc. Je n'avais pas envie de quitter cet endroit mais rester auprès de Daemon était impossible. Je le savais aussi bien que lui.
Je ne prenais pas mal ce qu'il m'avait flanqué à la figure mais la douleur était vive tout de même.
Je n'avais que ce que je méritais. Tous les souhaits n'étaient pas bons à être exaucés. Je l'avais toujours su mais j'avais tenté le coup de trop.
Je devais le payer.
Je pris mes sacs et descendit les escaliers. Je traversai le salon où se propagèrent des murmures étonnés, moqueurs et haineux. Tout dans cet endroit suintait les Ténèbres. J'avais appris à m'en repaître.
L'angoisse me saisit à la gorge en bas des marches du manoir. Je me tournai vers la façade. Je vis les rideaux de sa chambre bouger. Je souris en me détournant.
Le piano à queue dans son salon allait me manquer. Ces après-midi à en jouer deviendraient de sombres souvenirs.
Les peintures à admirer s'effaceraient jusqu'à devenir de fins filaments perdus dans les méandres de ma mémoire.
Plus personne ne me pousserait à créer de meilleurs pics pour des joutes verbales fatigantes mais si excitantes.
Mais c'était pour la bonne cause.
J'avais réussi à relever Daemon et ça...
Ca, c'était unique en son genre.
J'éclatai d'un rire froid en sortant du cimetière. Je tentais encore de me berner. Je tournoyais sur moi-même, mes valises en mains. Je voulais une raison à cette conclusion sordide. Je voulais continuer à vivre avec l'image d'une Heileen plus forte que la norme.
C'était un mensonge parmi tant d'autres.
Je n'étais rien. Je n'étais que celle qui avait détourné un jeux pour en créer un autre encore plus délirant.

Je chantonnai en dodelinant de la tête.

When I say I’m sorry
Will you believe me
Listen to my story
Say you won’t leave me
When I say I’m sorry
Can you forgive me

Les larmes coupèrent mon visage alors que je continuai de sourire connement.