J’avais encore un horaire de travail bien chargé, j’étais rencontre vers huit heures afin de préparer mes choses pour la soirée. La soirée était chaude et belle, c’est pour ça que j’enfilais un short blanc, dévoilant mes fines jambes. Comme haut je mettais un simple chandail sans manche et une longue chaine qui tombait contre ma poitrine. Je remontais mes cheveux blonds en une queue de cheval et je mettais du noir autour de mes yeux pâles. J’enfilais des bottes, même s’il faisait chaud, je les aimais et j’aimais le look que cela me donnait. Des bottes de cowboy brunes, qui m’arrivaient au mollet. J’entrais donc dans le bar déjà plein de ses habitués, les gens commençaient à boire tellement tôt. Je soupirais avant de glisser derrière mon bar afin de couper des oranges, des limes, des citrons. C’est de ça que j’avais besoin pour faire parfait cocktail, je mettais tout en ordre. J’aimais bien travailler ici, parce que je me faisais pas mal d’argent avec les pervers qui traînaient dans les bars. D’ailleurs, un peu plus tard dans la soirée, je reconnaissais un visage que j’avais déjà vu auparavant. Je ne l’aimais pas. Je ne savais pas ce qu’il me voulait, mais je n’aimais pas son comportement. Il avait passé sa soirée à me fixer, sans jamais détourner son regard. Je n’avais pas l’habitude de me laisser intimider, mais je dois avouer que cette attitude n’avait rien de rassurant. Je me demandais ce qu’il pouvait bien me vouloir ou je me demandais ce que j’avais.

Ce soir, il était encore là et je n’avais pas envie de passer ma soirée, qui se termine à trois heures du matin, à me sentir observer par lui. Ca n’avait rien d’agréable, en plus que je devais lui servir ses boissons. Il faisait la même chose. Il avait pris une table un peu plus loin et s’était posé à celle-ci. Son regard était fixé sur moi. J’avais beau être n’importe où dans le bar qu’il ne me quittait pas du regard. Je l’obsédais ou quoi? C’était quoi son problème? Je me forçais à sourire, aux clients qui passaient commande, je faisais leurs boissons. J’étais douée. Je connaissais parfaitement les mélanges et les doses exactes de chaque alcool. À force, on finit par connaître par cœur. Je me faisais un verre de sangria que je portais contre mes lèvres, le liquide coulait le long de ma gorge. Je le buvais d’un trait. Je tenais bien l’alcool, je travaillais quand même dans un bar. Je posais mon regard sur lui, et je le fixais, comme il le faisait. Il était indifférent et je me sentais rageuse. Je ne voulais pas me transformer ici. C’était surement la chose la moins sage à faire. Je laissais mon poste le temps de me rendre à sa table et je plaquais mes deux mains sur celle-ci en me penchant vers lui. J’allais la jouer franchement. J’étais impulsive et c’est surement pour cela que je me retrouvais devant lui en ce moment. « -Je peux savoir, c’est quoi ton problème? »

La journée au travail avait été dure. Les morts avaient été plus silencieux que d’habitude… Quel ennui ! J’avais manqué de créativité. D’habitude, j’arrivais toujours à m’en sortir, à donner vie aux personnages, m’amuser d’un rien, parler dans le vide. Mais là… rien. Néant. Je soupirais. C’était sûrement parce que cette journée était spéciale pour moi, pour eux. Mes parents. C’était l’anniversaire de leur mort ; 8 ans, déjà… Que le temps passe vite. A vrai dire, les premières années sans leur présence avaient été difficiles. Devenir un adulte responsable, autonome et ouvert sur la société sans l’aide de tuteurs n’était pas chose aisée. Je crois que du coup, j’avais oublié le troisième pilier : m’ouvrir sur la société. Ca, j’avais pas su y arriver tout seul. Dommage, mais je m’en portais pas plus mal. Après tout, si avoir des amis se résumait à distribuer des sourires hypocrites, devoir donner un coup de main à chaque déménagement, mariage, ou fuite d’eau, ne jamais critiquer pour garder une relation saine… non merci ! Autant être tout seul. Papa disait toujours qu’on n’était jamais mieux servi que par soi-même, et je suivais son conseil à la lettre. Etais-ce une larme qui perlait au coin de mon œil ? Non, je refusais d’y croire, et secouait la tête pour qu’elle s’échappe.

En quittant les lieux, j’enfilais ma veste de costard, les yeux voilés de fatigue et de tristesse. M’installant au volant de ma ford, sur un coup de tête, je décidais d’aller boire un verre. Ou deux. Ou trois. Ou… on verrait bien. Il fallait seulement que je pense à autre chose, que j’oublie. J’étais désespérément seul. Un peu moins depuis que j’étais en contact avec l’alpha et que je protégeais Sara, mais mon monde ni fait d’amis, ni d’amours. Mon monde n’était fait que de sarcasme, d’observations lointaines. D’ailleurs, dans ce bar, j’avais ma cible, ma femme à observer. J’étais toujours comme ça. J’aimais les femmes, les regarder, les détailler, même si cela devait être extrêmement gênant pour elles. Mais… c’était mon jeu. Elle était serveuse, et je ne connaissais rien d’elle. Sinon que les tenues attire l’œil et le déhanché, elle maîtrisait plutôt bien. C’était un bar plutôt mal fréquenté, mais qu’importe. On pouvait y boire, et c’est tout ce qui m’intéressait. Je commandais un verre d’alcool fort, et remarquais qu’elle était là ce soir. Je repris mon jeu, souriant en coin. De quoi me remonter le moral…

Cela ne sembla pas lui plaire. D’un pas décidé, elle marcha de ses bottes jusqu’à moi, aplatit ses mains sur la table, penchant son corps de femme attrayante sur moi. « Je peux savoir, c’est quoi ton problème? ». Je souriais de plus belle. Elle ne m’effrayait absolument pas. « Quel problème ? ». Que voulait-elle que je lui dise ?

Il était déjà venu quelquefois et je me souvenais très bien de lui. J’avoue que je ne travaillais dans un bar les plus nets de la ville, mais il y avait des gens bizarres partout, de toute façon. Il était exactement le genre d’homme qui ne me plaisait pas. Ce n’est pas qu’il m’intimidait, je n’aimais juste pas qu’il passe toute la soirée à me fixer. La première fois, j’avais laissé passer sans rien dire, mais ce soir je n’avais pas envie de me laisser traiter de la sorte. Il ne faisait rien en soir, de choquant, mais je ne voyais pas le plaisir qu’il pouvait en tirer. En fait, cela me dépassait complètement et à la longue, ça devenait dérangeant. Ce soir, je n’étais pas d’humeur à ce petit jeu qu’il semblait aimer. Son jeu, je ne l’aimais pas. Habituellement j’étais joueuse, j’aimais les jeux de toutes sortes, mais quand je ne m’amusais pas dans ce jeu, il n’avait rien d’agréable. Autant lui demander ce qu’il me voulait, peut-être qu’il avait une dent contre moi. Je n’en savais rien du tout. C’est pour ça que je me décidais à me rendre à ma table. Je me frayais un chemin entre les corps soit ivres, ou dégoulinant de sueur à cause du plancher de danser. Mon but premier n’était pas de le menacer, je n’avais pas la carrure d’une femme menaçante, mais je pouvais me montrer redoutable, si je le voulais bien. Je me penchais un peu par-dessus la table pour poser mon regard pâle dans le sien, je le toisais et je lui parlais d’une voix qui se voulait directe. À sa réponse, je poussais un soupir en tirant une chaise pour me poser tout juste devant lui. J’arquais un sourire en le regardant. Sa réponse ne me satisfaisait pas, j’en voulais plus, je voulais savoir. Ma nature curieuse emportait un peu trop souvent sur mon comportement. « -Ton problème. Pourquoi tu passes tes soirées à me regarder? Tu n’as rien de mieux à faire dis moi, parce que franchement, ça devient agaçant. Qu’est-ce que tu me veux au juste? »

En tout cas, j’avais le mérite d’être directe, une autre serveuse prenait ma place, nous étions pas mal ce soir, ce qui me permettait des écarts de la sorte. Je ne pouvais pas toujours faire ça. Je ne comptais pas bouger de ma place jusqu’à ce que j’obtienne une réponse qui allait me satisfaire. Je faisais un signe de la main pour que ma partenaire de travail m’apporte un verre, j’avais besoin de boire et je comptais bien prendre une petite pause. J’avais de quoi me distraire de toute façon et je voulais lui tirer les vers du nez. La demoiselle m’amenait ma consommation que j’attrapais pour en boire la moitié. Je ne l’avais pas quitté du regard. S’il voulait jouer, j’allais le faire aussi. Je n’étais pas le genre de femme à me laisser intimider, surtout pas par un homme. « -Alors. Tu comptes faire ça toute la soirée? Parce que ça risque de devenir réellement ennuyant, à la longue.» Je croisais les jambes en faisant tourner le liquide dans mon verre. J’étais impatiente et peut-être un peu agacée, mais c’était de sa faute de toute façon. Je n’allais pas non plus me montrer douce et gentille avec lui, je ne l’aimais pas, même si je ne le connaissais pas du tout.

Je l’avais dévisagée tout comme la dernière fois : intensément. Pas de façon perverse mais… presque. Oui, je pense que l’on pouvait y voir une forme de perversité. Et ça me faisait rire. Parce que ce n’était pas le cas, parce que ce n’était qu’un jeu, mon jeu, dans lequel je me plaisais à dérouter toutes mes cibles. Et cette belle serveuse blonde avait eu le malheur d’attirer mon regard avec ses tenues sexy et son déhanché de femme plantureuse. Toutes mes cibles étaient des femmes. J’étais mordu de leur façon de marcher, de regarder les gens, de leur corps, leur façon de penser, j’en passe et des meilleures… Oui, j’aimais énormément les femmes. Est-ce un crime ? Je ne pense pas. Lorsque je commandais, je prenais bien garde à ce que ce soit elle qui me serve, histoire de lui montrer que je ne la lâchais pas d’une semelle. De quoi vous rendre fou, je l’admets. Mais… ma vie était si ennuyante que je m’amusais comme je le pouvais. Je n’avais rien de personnel contre elle, puisque que je ne la connaissais pas. Je savais juste qu’elle travaillait ici, avait de cheveux blonds, était plutôt belle et… Ah oui, je venais d’apprendre qu’elle avait un fort caractère. La femme avait bien évolué depuis son émancipation ; plus affirmée, plus autoritaire, plus… redoutable. Cela plaisait au rat qui sommeillait en moi. Elle est à croquer, me soufflait-il de sa voix rauque. Je souriais en coin ; je n’étais pas là pour ça. Elle me lança un sourire de défi, avec son regard bleu transparent, puis déballa son irritation. Ignorant la seconde partis, je la narguais. « C’est interdit ? ».

Mon côté aventurier. Balayant la salle du regard, je reconnaissais quelques têtes qui se feraient un plaisir d’appuyer les propos de la serveuse, et qui n’attendaient qu’une chose : m’en coller une bonne. Mon arrogance était insatiable, à l’égal de mon égo. Ce qui fait que je me faisais plus d’ennemis que d’amis sur mon passage. De toute façon, je ne voulais pas d’amis. Je la regardais tirer la chaise en face de moi, s’asseoir, commander un verre à sa collègue, tout ça sans rien dire, amusé. Cette femme était intéressante, et son attitude ne faisait que redoubler la mienne en vigueur. Elle fixait mon regard sans faire mine de le détourner, mais elle ne m’intimidait pas, absolument pas. Intéressant. Elle me demanda si je voulais faire ça toute la soirée, et je lui souris. Combien de temps avait-elle devant elle encore ? Il semblait qu’elle puisse se permettre de se prendre une pause pour que l’on s’explique. C’est ce qu’elle voulait en tout cas, bien que je n’aie rien à lui dire. « Pourquoi pas ? Je ne vois pas où est le problème. » Je choisis de boire une gorgée de mon verre d’alcool moi aussi. Je m’amusais follement. La distraction était réussie, j’en avais déjà oublié mes parents morts.